17 mars 2022

Maruata et le Doigt de Dieu

 

C’est en surfant sur Google Earth que j’ai découvert ce petit village sur la côte du Michoacán dont l’attraction principale est un pic rocheux intitulé « El dedo de dio ». Ni le guide du routard, ni le Lonely planet ne le mentionnait et encore moins le moyen de rejoindre le village. Pas d’hôtel non plus dans mes applications de voyage. Finalement j’ai trouvé un bus qui m’y a amené. Un omni-bus car il s’est arrêté à tous les villages qui jalonnait les 200 kilomètres de route qui séparait Manzanillo de Maruata. Le bus était hors d’âge, les sièges n’avaient plus que des ressorts. Les vibrations étaient telles que les fenêtres s’ouvraient toutes seules faisant entrer des bouffées d’air chaud et la poussière de la route. Le chauffeur disposait d’un bras de levier pour ouvrir la porte et un autre pour le coffre. Au fur et à mesure du trajet, le bus se remplit car peu de gens descendaient. La majorité des voyageurs paraissaient se connaître et échangeaient assez bruyamment, la moitié d’entre eux étaient debout et faisaient preuve d’un remarquable équilibre. Car la route avait perdu son revêtement depuis bien longtemps et les « topes » ne manquaient pas. Cette route longeait la côte dévoilant plages sur plages et un océan assez agité. De temps en temps un chemin de terre sèche annonçait un village. Entre les villages soit des plages, soit des cactus gigantesques. Je suivais l’avancement du trajet sur mon smartphone.

Le bus s’arrêta enfin dévoilant une station d’essence sur la route déserte. Et c’est à travers la poussière soulevée par le démarrage du bus que je vis un petit chemin descendant vers Maruata. Pour un peu je me serais cru à « Bagdad café »

Il était quatre heure, le village paraissait déserté de ses habitants, de temps en temps une ombre furtive traversait la route passant d’une habitation à une autre. Sur de nombreuses maisons un panneau : « Se renta cuartos » (chambre à louer) mais la porte était close. Tout au bout du village, quasi sur la plage il y avait un peu plus de vie et à côté d’une petite échoppe la même indication C’est alors qu’enfin quelqu’un se manifesta et que je pus m’installer dans une magnifique petite chambre située à l’étage et dont la fenêtre ouvrait dur l’océan. Une douche un lit une table une chaise. Que demander de plus ? . . Internet, du réseau ! Car oui là-bas,  pas de réseau, pas d’internet ; la proprio avait une carte mais je ne pouvais pas en abuser. Dans ma rue les gamins jouaient, les femmes préparaient des tortillas sur le four en boue séchée qui décorait le devant de chaque habitation. Ces habitations étaient ouvertes sur la rue ;  pas de porte ni de façade avant. Rien que des hamacs où somnolaient les époux, une canette à la main.


Ma première promenade fut pour la plage. Deux kilomètres et demi de sable blanc. Une plage à tortue. Le côté vague très pentu en raison de la force l’océan, un petit sommet puis l’autre pente, toujours sèche, parsemée de creux d’où étaient sorties les petites tortues à peine nées. Çà et là un cadavre de mini-tortue, de nombreuses coquilles vides et des vautours à tête rouge qui digéraient leur repas du matin. Pas un habitant, pas un touriste, pas un pêcheur rien que moi et l’étendue de sable blanc bordé par une mer tellement violente que je n’y risquerais pas un pied. Le blanc du sable est contaminé par des trainées noire qui se révèle être des particules de pierre métallique broyée par les vagues. Elles qui sont donc attirées par les aimants. Pas de pollution au mazout donc.


Dans le village, il y a aussi de nombreuses banderoles indiquant : « Restaurant » et affichant d’appétissants menus. Mais ils sont tous fermés « no servicio » Ils ferment en général à 17 heure !! Mais ces jours-ci, ils se préparent à la fête du saint patron du village : « San Jose » Heureusement, sur la place, un type fait fortune avec ses tacos. Il n’a aucune concurrence. Vous l’aurez compris Maruata est un village tranquille. Les commerces sont ouverts mais les commerçants habitent en face. Quand vous vous arrêtez devant une épicerie, vous voyez débouler la fillette de la maison d’en face pour vous servir. Il n’y a pas beaucoup de circulation à Maruata. Très peu de voitures, un peu de vélos, mais plus de jeunes à moto que l’on voit passer et repasser. On se demande où ils vont. Pourtant les rues sont toutes bien bétonnées et entretenues par les riverains. L’activité principale des « maruratains » est le balayage du sable de la rue, la seconde est le ratissage du sable entres les habitations car l’espace entre les habitations est fait de claies à hauteur d’homme où on peut de reposer à l’abri du soleil


Un rio sépare le village en deux et une grosse colline rocheuse sépare le reste en deux encore chacune des trois zones bénéficie d’une plage. Les vagues sont assez puissance pour décourager toute baignade autre que sportive. L’océan ne se calme que le soir, alors les jeunes du cru s’exercent au surf. Toute la journée les pélicans longent les rouleaux avant d’y plonger pour se nourrir. Je ne peux voir un pélican sans penser au poème d’Alfred de Musset (quelle imagination cet Alfred).

C’est en grimpant sur un des rocher qu’on peut observer le doigt de dieu. Un piton rocheux battu par les vagues, pointant son épine particulièrement acérée vers le ciel. C’est l’attraction touristique du lieu et pourtant pas d’indication pas de pancarte, pas de balisage. Maruata est décidément une énigme.

L’une des plages est annoncée « Zona de camping » par un panneau, pas beaucoup de différence avec les autres seule une cabane où on vend des « cervezas frias » à des prix défiant toute concurrence. Car tout est incroyablement bon marché à Maruata sauf le logement mais peut-on qualifier de cher une chambre avec douche pour 22 € la nuit.


Au fil de mes balades j’ai fini par trouver quelqu’un qui m’a proposé un repas chaud vers 16h non pas un poisson, il n’y en avait pas, mais des crevettes à la diable. A la table voisine le mari de la cuisinière se roulait un joint dont il tirait les ingrédients d’une jarre pleine faisant au moins dix litre. Car je crois que c’est la troisième occupation ici. D’ailleurs il règne partout une odeur douceâtre d’herbe bleue. Fumer de la marijuana est officiellement un délit au Mexique mais pratiquement tout le monde fume sans se cacher, en public au restau, en bus, dans les parcs


Je n’ai finalement pas assisté à la fête de San José, j’aurais dû prolonger mon séjour de près d’une semaine. Mais je sens que je vais regretter l’endroit. C’est la nuit que je prends le bus retour dans les mêmes conditions qu’à l’aller mais en beaucoup plus froid, j’étais littéralement gelé au cours des trois étapes vers Puerto Vallarta


















 

2 commentaires:

  1. Salut Philippe,
    pas à dire c'est toujours aussi passionnant de suivre tes exploits de "globe-trotteur", tu te fatigues à notre place mais tu as l'immense satisfaction de tester les plats locaux et les odeurs sans compter le bonheur de vivre dans le luxe dont tu nous décris si bien le charme...au plaisir de lire l'épisode suivant. Bonne route.
    Charles.

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  2. Question fréquentation c'est pas Acapulco ni Mexico ! Enfin maintenant je sais ce qu'est le Doigt de Dieu ;-)) je dormirai mieux après avoir comblé cette lacune dans ma culture. La suite au prochain numéro...

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Puerto Vallarta

J’avais décidé de faire un trajet de nuit, surtout pour profiter des derniers moments à Maruata. Je me préparais donc à trois correspondan...