08 février 2022

Zipolite: le centre du monde



Quelques heures de route accompagnées du doux gazouillis des deux pipelettes finlandaises furent pénibles mais c’était le prix à payer pour rejoindre mon endroit préféré du Mexique. La route est très montagneuse et déconseillée aux estomacs sensibles. Première arrêt : San Juan del Pacifico. A l’origine une pause pipi avec vue imprenable. Tellement belle que certain ont décidé d’y faire étape. La demande étant créée, l’offre a suivi. Une foultitude de petits bungalows a éclos. Les échoppes ont suivi. Le succès de cette station a été d’autant plus rapide qu’on trouve dans le coin des champignons aux effets hallucinogènes. La renommée du lieu a explosé, tous les touristes ont entendu raconter des histoires de nuits psychédéliques inoubliables sans doute largement enjolivées. Cela dit les pueblos alentours sont aussi dignes d’être visités mais nécessitent des talents de crapahuteurs. Je n’ai jamais aimé la grimpette.

Second arrêt : Pochutla, on change de combi pour un taxi partage qui rallie les pueblos de la côte pacifique de Oaxaca : Puerto Angel, Zipolite, San Agostinillo et Mazunte. Ces villages sont connus pour la qualité de leur plage. Dieu sait pourquoi tout le monde se rue sur Mazunte qui est la première étape pour la Mecque du surf : Puerto Escondido. (Pour suivre, faites donc un tour sur Google Maps)


Moi je m’arrête à Zipolite ; la seule plage mexicaine où se pratique le naturisme. Deux kilomètres de sable blond où se croisent nudistes et textiles sans la moindre gène ni regards malsains. Tôt matin les inconditionnels du yoga se répartissent sur la plage face au levant. On distingue vite les adeptes confirmés des primo-pratiquants dont l’équilibre est incertain. Un peu plus tard, viennent les promeneurs, seuls ou à deux, ils marchent d’un pas décidé le long des vagues mourantes se faisant dépasser par les joggeurs. Les marcheurs n’ont pas d’âge, il y a des vieux, des jeunes, des cheveux longs ou courts presque tous tiennent à la main leur short qu’ils n’ont pas osé abandonner sur la plage. Ensuite les premiers nageurs viennent se confronter aux vagues. Nager serait un grand mot. Les vagues font au minimum trois mètres de haut et s’abattent volontiers sur les plus distraits ou imprudents nageurs. Les courants, à Zipolite sont très importants et la plage constamment sous surveillance car réputée comme une des plages les plus dangereuse au monde. Enfin les adorateurs de soleil les inconditionnels du bronzage intégral prennent place allongés sur un paréo après s’être enduits de crème protectrices. Ceux-là alternent eau et soleil


La plage est bordée de petits bars et d’hôtels avec vue sur mer, bien qu’ils soient côte à côte la plage ne jamais bondée. La rue principale est adossée à la plage. S’y retrouvent les petits restaus, les petits hôtels bars, quelques magasins de vêtements souvenirs deux vendeurs de fruits et légumes et un distributeur de billets. Le soir cette rue est pleine de petits artisans vendeurs de bijoux. Ils vendent tous des bagues, des colliers tressés et des pierres serties avec habileté. Les touristes déambulent entre les étals et lisent avec attention les menus des restaurants. Il y en a pour tous les goûts et tous les budgets. Tous ne sont pas ouverts, ils alternent les jours de travail de façon à ce que tous puissent avoir du repos et du travail. Dans la ville tout le monde est plus ou moins vêtu. Il y a une grosse communauté gay à Zipolite, ceux-là s’habillent avec une exubérance débridée : des voilages ne cachant rien du tout, des plumes et du maquillage outrancier. Mais tout le monde s’en fout ; on est à Zipolite le pays de la tolérance et de la paix intérieure.


Je loge au Shambala, construit sur la colline à l’ouest de la plage, il est constitué de petites cabanes aux couleurs pastel, soit en dur soit en bois, reliées par un dédale des petits chemins pavés de gros galets, l’espace commun offre une vue dominante sur toute la plage. D’inspiration yoga un peu hippie des années soixante, la décoration est faite de bois, bois flotté et bambou la touche finale étant les images de Ganesh côtoyant celle de la vierge ou le buste d’indien iroquois à côté d’une photo de la reine d’Angleterre, sans compter les esquisses de nymphettes discrètement érotiques. Le tout donne une impression d’harmonieux désordre. Les sanitaires sont répartis plic-ploc dans le domaine, les douches décorées de faïence brisées s’ouvrent sur la vue de la plage. La patronne, Maria, dégage la sérénité. Elle arbore de longs cheveux noirs grisonnants s’habille tout en blanc et veille d’une main de maitre sur le domaine, son assistant, homme à tout faire est lui tout sec et porte de grosses lunettes épaisses et une éternelle cigarette entamée au coin de la bouche. Il est accompagné de ses deux chien tout le temps occupé à réparer, rafistoler.

Depuis une semaine,. il planche sur la machine à expresso. Depuis une semaine on voit la machine désossée, ses pièces éparses puis remontée pour un essai infructueux puis re-démontée. Le temps n’existe pas à Shambala. Puis il y a les petites mains deux mignonnes petites qui changent les draps, ferment les porte des W.C. que les hôtes laissent systématiquement ouvertes s’assurent qu’il y a du papier, et surtout balaient les tonnes de sable que l’on ramène de la plage. Tout en haut de la colline, au-dessus de l’hôtel, il y a le sanctuaire un espace dédié à la méditation. Au centre du quel une construction toute en courbe L’endroit d’inspiration indoue est régulièrement peint en blanc ce qui accentue encore le côté mystique. Mystique, je ne le suis pas, mais chaque fois que je m’y rends je sens un sentiment de paix m’envahir. Ce lieu comme tant d’autres à Shambala me manquera quand l’heure sera au départ. La vue depuis ma chambre est extraordinaire. Tous les matins je me réveille à l’aube sous la lumière du soleil levant. Ça dure quoi ? une petite quinzaine de minute mais chaque matin le moment est magique. Chaque matin le même soleil, chaque matin des teintes différentes. Je crois que Salvador Dali aurait situé le centre du monde à Zipolite s’il y était venu


Les hôtes sont d’origines diverses. Il y a une exubérante française un peu mythomane qui a vécu en inde où elle retourne fréquemment, a quitté la France, lasse des exigences sanitaires, proclame haut et fort qu’elle n’est pas vaccinée et ne le sera jamais. A l’entendre elle a parcouru le monde et a des amis partout. Il y a aussi ce couple bien sympathique avide de tout découvrir il est suisse, elle française de Perpigna. Sa fille travaille à Mexico, elle déteste voyager seule et a demandé à son ami suisse de la rejoindre. Elle a l’art de faire parler les gens va à la rencontre des petits vendeurs de bijoux ou le tenanciers de baret recueille une foule de petits renseignements utiles. Le troisième, Mike, un américain qui s’est établi au Brésil. Il est musicien et donc au chômage depuis le début de la pandémie. C’est un grand gars baraqué. Ses longs cheveux blonds lui donnent un look de surfeur, sport qu’il ne pratique pas. Lui c’est plutôt le coude qu’il utilise. A chacune de nos rencontres il était derrière quatre ou cinq bouteilles de bière vides. Je ne bois pas beaucoup, me dit-il, mais je bois vite. Il y en a plein d’autre que je confonds leur parlant en espagnol et qui me répondent en français ou inversement. A ce propos, j’éprouve beaucoup de difficulté à switcher d’une langue à l’autre. Je parle mal l’anglais, je me débrouille en espagnol mais traduire de l’espagnol à l’anglais est une vraie gageure. J’arrive même à m’embrouiller en français (l’âge sans doute)


A quoi je passe mes journées ? Je bois un petit café. Pas sur place, car la cuisine n’est pas ouverte Le café est suivi ou non d’un petit déjeuner mexicain fait d’œufs brouillés au poivrons doux accompagné de haricots noirs et de tortillas avec ça on est bourré pour la journée. Puis une longue promenade sur la plage quelques photos ou bien je me dirige vers ma plage favorite Aragon. Près d’un kilomètre de sable blond avec … personne sauf un couple de campeur fauché et une petite buvette qui ouvre à midi et offre ombre et bière. J’adore m’allonger sur leur hamac avec ma liseuse et une « Dos Equis » bien fraîche. Toute la matinée me direz-vous ? Non, toute la journée, à regarder les vagues. Les vagues c’est un peu comme le feu, c’est hypnotisant. Chaque vague est différente de celle qui précède et de celle qui la suit. La baignade est difficile car les vagues sont hautes et puissantes. On ne peut donc pas nager mais on peut jouer avec. Se tremper ou se laisser emporter entre deux rouleaux et guetter la vague suivante. Le temps coule vite à la playa Aragon ; l’ennemi c’est le soleil. Car il cogne celui-là.
 



Entre 11 h et 13h30 il vaut mieux s’abreuver à la buvette et écouter la musique mexicaine. Vers 16 heures, étourdi de soleil d’embruns salés et de « Dos Equis » il est temps de reprendre la « camionnetta » (sorte de navette inter plage) de se doucher et de passer à l’apéro. Happy hours entre 18 heures et 20 heures, deux apéros pour le prix d’un (pas toujours très chargé les apéros) Mais après la plage on est déshydraté par le soleil d’une part par les bières de l’autre alors il vaut y aller tout doux avec les apéros.

 


Je n’ai pas fait d’excursion depuis Zipolite. Quelques allers-retours pour Mazunte et hier une visite à La Ventanilla. Mazunte est la plage où tous les voyageurs s’arrêtent. C’est vous dire si c’est bondé. Ce ne sont que boutiques, restaus, et logements. On se bouscule dans les ruelles, les bars débordent. Je ne comprends pas pourquoi les gens s’agglutinent dans les endroits comme ça. A La Ventanilla c’est le désert. L’endroit est connu pour la mangrove de sa lagune. Les mangroves sont toujours riches en diversité biologique. La visite est sympa, nous sommes accompagnés d’un guide qui pagaye vigoureusement. Ici pas de moteur, pour éviter la pollution. Nous avons vu de nombreux iguanes, des oiseaux et pas mal de crocodiles qui baillaient au soleil. Un endroit enchanteur. La longue plage de sable sombre qui longe la lagune doit sa couleur aux grains métallique qui se mélangent aux grains dorés. Le guide nous en a fait la démonstration avec un aimant qui attire tous les grains métalliques. L’origine de ce métal est double : rejet industriel d’une part et roches vocaliques d’autre part. La couleur du sable est responsable de la température élevée du sol surtout en milieu de journée. Elle peut avoisiner les 60 degrés. Peu propice à la marche pieds nus. Du métal dans le sable, on en trouve aussi sur les autres plages mais en quantité moindre.

Chaque année se tient le festival de nudiste de Zipolite. Cette année, les festivités ont été annulées mais les hébergements se sont remplis. La proportion de nudistes a grimpé en flèche. Une session de « nude music » a été improvisée sur la plage et bien sûr de match de volley. Peu d’activités ont été maintenues. Le festival a surtout remplis les hostels et la rue principale d’artisans et de marchands ambulants. Les étals sont serrés sur offrant bijoux, macramés, pierres semi-précieuses, mezcal, plats cuisinés, cookies magique (space cake) des petites pralines artisanales aux épices de quoi rendre accro le plus stoïque des badauds. Les marchands sont pour la plupart des étrangers, des sud-américains quelques mexicains, de rares français. Tous sont accompagnés d’une touriste en mal de compagnie. J’ai rencontré vendeur de chocolat. C’est un Français, sa compagne mexicaine réalise leurs petites merveilles. A partir de la graine, il se fournit chez le producteur. Ça fait 5 ans qu’il est établi à Zipolite et compte bien y rester. Un autre est venu ici en simple touriste après sa maitrise en commerce. Il s’est plu, et fuyait les mesures sanitaires françaises. Tous les soirs il propose de la paella cuite sur place. Elle est diablement bonne pour 120 pesos (5€) tu peux te gaver de « paëlla Valenciana » à Zipolite. Lui n’a pas de visa longue durée, tous les six mois il doit faire un aller-retour au Belize pour refaire son visa de 180 jours. Et puis il y a ce restaurateur que j’avais rencontré il y a 4 ans et qui a ouvert un restau de qualité son établissement n’ouvre que quatre jours par semaine mais ne désempli pas. Lui ne bougera pas de Zipolite.


Mon séjour touche à sa fin. J’écris depuis la terrasse d’où, comme tous les matins, je peux observer les timides colibris. Ces petits oiseaux nerveux viennent butiner des hampes florales avec un horaire quasi militaire. Tous les jours à droite à sept heures tapantes puis entracte jusqu’à huit heures la hampe florale de gauche et c’est fini pour la journée. Le soleil continue son ascension révélant les embruns de l’océan. La connexion internet est déplorable à Shambala et les gestionnaires un peu vieillissants n’en ont cure. C’est peut être mieux ainsi, la perfection n’est pas de ce monde.


 


 







 

1 commentaire:

  1. Je vois que tu te mets tout doucement au shoOting nu :-) Tu es sûr que Salvatore ne s y est jamais rendu ? A bientôt Phil
    J-M

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